HOSNI Leila

 

Défigement et cohérence textuelle

 

Bien qu’ils soient, tous les deux, des phénomènes complémentaires (l’un est défini par l’autre), le figement et le défigement se distinguent par leur « origine ». Si les séquences figées (SF) sont définies dans et par la langue, d’où leur apparition dans les dictionnaires, les séquences défigées (SD) sont interprétées dans et par le discours. Leur sens n’est discerné que dans le cadre d’un co-texte ou dans un contexte.

De plus, les SF sont définies par les principes de « congruence » et de « fixité » ce qui en fait, des expressions polylexicales « cohérentes ». Néanmoins, les SD présentent plutôt un « éclatement » de cette cohérence : les composants perdent leur solidarité, ce qui donne lieu, parfois, à des séquences sémantiquement incohérentes. Leur cohérence est, toutefois, récupérée par le locuteur/ lecteur dans le discours.

Dans l’énoncé suivant :

La cousine fabriquait des plats pour deux malheureux pensionnaires que  semblait envoûter la mauvaise chère (R. Queneau).

deux facteurs permettent d’interpréter la SD « la mauvaise chère » :

-          la séquence figée dont elle présente une transformation « la bonne chère », et qui peut ne pas être connue par un interlocuteur/ locuteur non natif, par exemple,

-          le contexte discursif (co-texte), qui, nous semble-t-il, présente la meilleure source d’interprétation d’une séquence défigée : le SN « plat », l’adjectif « malheureux », etc.

Dans le cadre de cette communication, qui présente une continuité par rapport à une autre communication ( Figement et cohérence textuelle : de la cohérence interne à la cohérence externe, Aras, 2017  ) où nous avons, entre autres, mis l’accent sur le rôle des séquences défigées, accompagnées dans le discours des séquences figée dont elles sont issues, dans la cohérence textuelle, nous tenterons, d’une part, de mettre l’accent sur les facteurs syntactico-sémantiques permettant d’interpréter une SD, dans le discours et d’autre part de montrer que ces séquence, qui présentent un « éclatement » linguistique , dans la mesure où  elles transgressent les principes de « congruence » et de « fixité », contribuent quand même à la cohérence du texte où elles apparaissent, une cohérence interprétée par le biais du co-texte.

 

Bibliographie :

ADAM Jean-Michel, La linguistique textuelle. Introduction à l’analyse textuelle des discours, A. Colin, coll. « Cursus », 2008

BEN AMOR Thouraya,  Le jeu de mots chez Raymond Queneau, Faculté des lettres et des sciences humaines de Sousse, 2000.

BUVET Pierre André, Catégorisation sémantico-énonciative du lexique à partir d’un dictionnaire électronique,  in Os di.ci.o.n_a.rios Fontes, métotodos enovas technologias, 2011, p. 75-96.

MEJRI Salah, « La mémoire des séquences figées : une troisième articulation, ou la réhabilitation du culturel dans le linguistique ? », in La Mémoire des mots, CERES, Tunis, 1998, p. 3-11.

MEJRI Salah, « Figement et défigement : problématique théorique », in Pratiques, 2013, p. 79-97.

MEJRI Salah, « Les trois fonctions primaires. Une approche systématique. De la congruence et de la fixité dans le langage », in De la langue à l'expression : le parcours de l'expérience discursive : hommage à Marina Aragón Cobo,2017,  p. 123-144.